Une émotion n’est pas quelque chose de négatif. Elle doit être entendue comme un baromètre de notre vie psychique, de nos affects. Si elle est négative, elle doit être perçue comme un signal d’alarme, et amener la personne qui la vit à s’interroger sur ses origines. Une émotion doit absolument être prise au sérieux lorsqu’elle met en danger l’intégrité physique et psychologique d’un individu.
Les développements des
neurosciences nous permettent de constater à quel point les émotions sont
centrales dans nos vies : nous sommes
véritablement nos émotions.
Témoignage d’une maman dont le
fils est entré en septembre 2018 en petite section. Il n’allait en classe que
le matin à l’époque, et était très heureux d’y aller, nous dit la maman.
Mais la situation s’est très vite dégradée, avec des pleurs dès la première semaine, l’enfant parlant de punitions qu’il dit recevoir car il a trop la « bougeotte » – rappelons qu’il n’a alors que 3 ans …
Malgré tout, l’enfant s’accroche et commence finalement à y aller aussi les après-midis, jusqu’au jour où, de retour de l’école, les pleurs sont associés à des douleurs dans le bas-ventre. Interrogé par ses parents, l’enfant révèle avoir été attaché par d’autres enfants de sa classe, et déclare avoir subi quelques attouchements.
Il s’agit d’une méthode de
Communication Non-Violente (CNV) visant à améliorer les relations entre les
êtres humains, créée par Marshall Rosenberg, psychologue américain décédé en
2015.
Sa méthode, très prisée et
mondialement acclamée, a fait ses preuves aussi bien dans le cercle restreint
de couples ou de familles, que dans des structures collectives, allant des prisons
aux écoles.
Son objectif était de nous
rappeler ce qui fait la nature profonde
des interactions humaines, et de nous aider à les vivre en en ayant pleinement
conscience. Rosenberg nous invitait tous à reconsidérer la façon dont nous nous
exprimons, ainsi que celle dont nous percevons et entendons l’autre.
Pour ce témoignage, nous laissons la parole à la maman d’une collégienne, qui nous explique ce qu’a subi sa fille dès l’automne dernier, et qui, aussi incroyable que cela puisse paraître, continue de subir pendant le confinement :
« En novembre, elle était avec une amie et deux autres filles de la classe.Elles étaient au niveau d’un préau à côté de l’école élémentaire. Les deux « copines » de classe ont écrit au marqueur sur un des murs. Une surveillante de cantine est sortie de l’école et a vu ma fille avec un marqueur dans les mains. Elle l’a « attrapée » en lui disant qu’elle prévenait la mairie du fait qu’elle avait écrit sur le mur.
Hors, ma fille n’a rien écrit du tout. Elle avait le marqueur car avec son amie, elles faisaient des dessins sur leurs mains (bon, c’est pas terrible mais elles le font souvent…). Son amie m’a bien confirmé que ma fille n’avait rien écrit du tout mais que c’était bien les deux autres. Seule ma fille a eu des « soucis » dans l’histoire. Cependant pour moi, c’était une affaire classée depuis longtemps.
« J’avais huit ans, en CE2, et une fois toutes les deux semaines nous allions dans une autre école pendant une après-midi.
D’habitude, j’avais un maître, mais cet après-midi-là c’était une maîtresse. J’avais eu cette maîtresse l’année d’avant, tout s’était très bien passé : pas de peur, pas de problème, j’étais très à l’aise avec elle.
Mais un jour, je ne sais plus pourquoi, je me suis retrouvé avec des lignes à copier. 10, 20 ou 30, je ne sais plus. Étant donné que nous ne voyions cette maîtresse qu’une fois tous les 15 jours, je me suis dit que c’était possible qu’elle oublie ma punition, ou bien qu’elle soit absente.
Le plus dur, c’était qu’il fallait faire signer la punition par les parents. Et ça, c’était impossible pour moi. Donc, la première fois que j’ai revu cette maîtresse, j’ai fait genre : « ah oui, je l’ai fait mais je l’ai oubliée chez moi ». Je l’avais pas oubliée du tout la punition, je l’avais faite mais elle n’était pas signée …15 jours plus tard, je revois la maîtresse et lui rends finalement la punition, toujours pas signée.
J’ai continué comme ça, tous les 15 jours, avec une excuse de merde à chaque fois, et à chaque fois je me retrouvais avec le double de lignes à faire, c’est monté comme ça jusqu’à 500. Quand j’ai appris ça, j’étais paralysé à l’idée de devoir affronter mes parents. La fuite ou l’attaque, j’ai choisi la fuite.
15 jours plus tard, c’est le jour où on doit aller voir cette fameuse maîtresse. On finit notre matinée avec le maître puis on part en bus à la cantine. Le bus arrive à la cantine, on descend du bus, on mange, on va jouer dehors puis la sonnerie retentit indiquant la fin de la pause méridienne. C’est à ce moment que je mets mon plan en action. Je m’isole un tout petit peu du groupe pour me rapprocher des buissons et hop je me cache derrière et pfffiou je recule pour me retrouver derrière le bâtiment. J’entends le bus se remplir, le moteur démarrer, puis c’est le départ. Je fais le tour de la cantine, je passe par un endroit où le mur était cassé et je traverse un champ pour me retrouver sur la route entre le village voisin et le village où il y avait mon école.
J’ai marché ainsi avec mon cartable sur le dos pendant 8/10 kms, j’ai traversé 2 villages et puis je suis arrivé chez moi. Ce sont mes parents qui ont prévenu l’école que j’étais absent : personne d’autre n’avait remarqué mon absence.
Après cet épisode, ni mes parents, ni la maîtresse, ni le maître ne m’en ont jamais reparlé. Et j’ai jamais écrit les 500 lignes … »
Vous aimeriez vous aussi apporter votre témoignage sur les violences en collectivité ? que vous soyez parent, enseignant, agent de collectivité, enfant, adolescent : contactez-nous.
Souvenirs de VEO en école primaire – ou comment créer des conditionnements
J’étais une enfant pleine de vie, je ne compte pas les heures passées à courir, seule ou accompagnée, avec un ballon, un bâton, en poussant des cailloux, partout, dans la cour de récré, en pleine campagne, en forêt, dans les petites ruelles de mon village d’à peine 400 habitants.
Forcément, à courir comme ça, des chutes il y en a eu. Mais je ne me souviens pas des chutes. Oh non. En revanche, je me souviens avec une clarté impressionnante, avoir été coincée dans le couloir d’entrée de la classe maternelle, avec cette Atsem. Son nom m’échappe, mais pas son visage, autoritaire et fermé, pas plus que ne m’échappe la dureté de son regard. Je revois encore sa main s’approcher de mon genou, avec ce coton imbibé (vous savez, ces bouts de coton hydrophyle qui laissent des filaments dans les plaies) et l’odeur du produit « qui piquait si fort », et qui vous faisait limite tourner de l’oeil. Je ressens encore mon impuissance, la certitude que ça allait faire bien plus mal que la chute elle-même, l’incompréhension totale, l’injustice de la soumission infantile.
Nous avons déscolarisé nos enfants en mars 2016, après deux semaines de vacances de février passées à répéter, tous les jours et plusieurs fois par jour, « on ne veut pas y retourner ».
L’histoire commence par 2 enfants pleins de vie, heureux de
découvrir un nouveau monde et de nouveaux visages, lors de la scolarisation en
PS. A l’époque, je n’avais absolument aucune connaissance de nos droits en
matière d’IEF – pour moi, l’école était vraiment
obligatoire. Les enfants eux, y allaient en courant, et tambourinaient sur la
porte d’entrée quand elle n’était pas ouverte à leur arrivée.
L’ombre a commencé à s’étendre sous la forme d’une histoire
de clés. Mon fils a commencé à les avoir en horreur, il refusait qu’on ferme
les portes, il hurlait quand on ne lui confiait pas la garde du trousseau – et
il ne voulait plus mettre les pieds à l’école. La maîtresse et la directrice,
interrogées, n’avaient aucune explication à fournir. J’ai profité de vacances
pour rassurer mon fils autant que possible, sur nous, sur lui, sur mon Amour
inconditionnel et ma présence pour le protéger. Et finalement, ça c’est tassé.
Il recommençait à courir pour aller à l’école.
Puis un déménagement, pour une école plus petite, et en
moyenne montagne. Avec des familles toutes issues de hameaux plus ou moins
isolés. On s’est dit chouette, une école de campagne, ça va être génial.
Mais bien au contraire … Pour dresser un état des lieux
rapide :
En MS (pour ma fille) :
Mises au coin répétées
Chaise du mauvais élève, en plein milieu de la
classe
Cris permanents (l’instit, interrogé par mes
soins, avoua avoir conscience d’être dépassé, et ne pas avoir d’autre solution)
Toilettes ouvertes dans le couloir d’entrée de
l’école (vous aussi, vous avez du mal à y croire ?)
Violences quotidiennes entre enfants, absolument
pas gérées par les adultes encadrant
Et, pour couronner le tout, attouchements
sexuels par des garçons de MS sur des petites filles de PS, MS et GS (oui, vous
avez bien lu), d’abord NIES par le personnel, puis décrits comme des faits sans
gravité (« il faut bien qu’ils apprennent la vie », nous a-t-répondu)
En GS (pour mon fils) :
Imposition de temps d’APS
Imposition de classe verte (pour remplir les
quotas, selon l’instit. Mon fils pleurait pour ne pas y aller, elle a utilisé
tous les moyens possibles pour le soumettre – viens avec un doudou, viens avec
des couches, tu dormiras avec les filles, tu dormiras avec les adultes, etc,
etc)
Tout cela s’est soldé par un gros mal-être, des pleurs à n’en plus finir, et des supplications pour rester à la maison. Fort heureusement entre temps, j’avais fait des recherches sur le mal-être scolaire, et découvert que l’école n’est pas obligatoire, et que l’Instruction en Famille est un droit, pour tous.
Vous aimeriez vous aussi apporter votre témoignage sur les violences en collectivité ? que vous soyez parent, enseignant, agent de collectivité, enfant, adolescent – n’hésitez pas à nous contacter.
Vous aimeriez vous aussi apporter votre témoignage sur les violences en collectivité ? que vous soyez parent, enseignant, agent de collectivité, enfant, adolescent : contactez-nous.
Aujourd’hui nous vous partageons le témoignage d’une maman, qui raconte la déscolarisation de sa fille, en octobre dernier, après plusieurs années remplies de difficultés en milieu scolaire.
La maman rapporte que sa fille était heureuse d’aller en classe, jusqu’au CE2. Cette année-là, elle s’est retrouvée avec une instit proche de la retraite, assez « vieille école » et qui n’hésitait pas à distribuer des punitions sous forme notamment de lignes à recopier.
L’enfant commença par avoir des maux de ventre, sans raison médicale évidente. Elle reçut un traitement homéopathique et avait pour consigne de ne jamais se retenir ni d’attendre pour aller aux toilettes – y compris donc sur le temps scolaire. C’est là que ça a commencé à sérieusement coincer avec l’instit, qui n’admettait pas le caractère physiologique de la condition de l’enfant, mais au contraire mettait cela sur le compte de « caprices ».
Cette réaction eut un effet très délétère sur l’enfant : d’autant plus angoissée et terrifiée par la réaction de l’instit, elle se mit à ne plus écouter ses besoins corporels. Elle termina son année scolaire passablement angoissée, et cette angoisse s’installa au point de devenir chronique. La maman rapporte que son enfant resta angoissée tout le temps de sa scolarité.
A cette angoisse aberrante créée et alimentée par l’instit, vint s’ajouter en classe de CM2 le harcèlement par d’autres élèves – simplement dit la maman, parce que son enfant « ne rentrait pas dans le moule », mais se démarquait par son style, ses goûts, …
Les années de collège restèrent chaotiques, sous la houlette notamment d’un CPE très jugeant et culpabilisant. L’enfant commença à parler vraiment sérieusement d’IEF en année de 5ème :
Elle m’en avait parlé déjà bien avant, mais en 5ème elle était beaucoup plus déterminée. Elle l’évoquait assez régulièrement mais j’avoue que je n’y prêtais pas attention, pour moi c’était une envie de s’orienter vers une scolarité qui était plus facile à ses yeux. Je sais aujourd’hui que ce n’était pas du tout le cas, qu’elle était bien renseignée sur les difficultés que cela représente et l’assiduité que le travail à la maison demande. Elle a des amies sur les réseaux sociaux, dans le domaine des sports équestres notamment, qui suivent ce type de scolarité depuis des années car elles sont engagées à un haut niveau de compétition par exemple, mais elle avait également déjà effectué des recherches de son côté pour trouver une alternative avant de les rencontrer.
Jean-Ovide Decroly, visionnaire, pédagogue et psychologue belge, vécut de 1871 à 1932. Il travailla notamment avec des enfants handicapés mentaux à Bruxelles, ce qui l’aida beaucoup à cheminer dans sa réflexion. Il fonda à Bruxelles deux écoles expérimentales au début du 20ème siècle, basées sur ses principes qui visaient à répondre aux besoins biologiques et sociaux de l’enfant. Il existe aujourd’hui encore une École Decroly, située dans la banlieue de Bruxelles, qui reprend les éléments de sa pédagogie, et propose un accueil des enfants depuis la maternelle jusqu’au baccalauréat.
Decroly est souvent évoqué comme étant le père de la pédagogie expérimentale – c’est-à-dire tout simplement, que l’enfant apprend en expérimentant. Selon Decroly, comme selon bien d’autres après lui, l’enfant est un être social et pensant, avec des besoins qui lui sont propres. Ainsi, le rôle des adultes est de permettre aux enfants d’apprendre pour leur bien, c’est-à-dire pour leur assurer une vie future heureuse, tout en :
Respectant leurs besoins humains les plus profonds,
En leur permettant d’exprimer leur fabuleux potentiel (intrinsèque à leur condition d’enfant)
En prenant en compte leurs capacités individuelles, ainsi que leur personnalité et leurs centres d’intérêt.
Decroly est l’auteur de plusieurs ouvrages qui ont laissé des traces, notamment « L’initiation à l’activité intellectuelle et motrice par les jeux éducatifs ». Comme vous le découvrirez en lisant les principes fondamentaux sur lesquels repose sa pédagogie, ses idées ont été reprises et développées par de nombreux pédagogues au cours du 20ème siècle.
En effet, s’il était plutôt visionnaire en son temps, les principes que Decroly souhaitait voir adopter dans les écoles de son temps, et au profit des enfants, sont toujours justes et d’actualité. Vous allez voir que l’on retrouve aussi de nombreux éléments de cette pédagogie dans… les exigences du socle commun de l’Éducation nationale.
L’enfant est acteur de ses apprentissages
Il est primordial de mener les apprentissages en accord avec les intérêts de l’enfant. « Il faut mettre un intérêt à la base de tout ce que l’on donne à l’enfant. L’intérêt éveille l’attention » – JO Decroly. Selon lui, l’enfant apprend mieux en suivant 3 étapes successives, dans lesquelles il est directement et totalement impliqué :
L’observation, qui offre aux enfants une approche très concrète et réelle des objets, par la manipulation et l’expérimentation (une notion que l’on retrouve très présente chez Jean Piaget). Cela mène l’enfant à comparer, identifier, classer, situer, etc – autant de notions que l’on retrouve dans les exigences du socle commun.
L’association, qui permet à l’enfant de classer les objets en catégories par exemple, qui l’aide à structurer sa pensée, et développer des théories – là encore, on retrouve les exigences du socle commun.
L’expression, où l’enfant retranscrit le cheminement effectué dans son esprit, où il présente ce qu’il a constaté et appris – vous aurez deviné où, une fois de plus, on peut retrouver tout ça.
Dans ce même registre, il convient à l’adulte encadrant de laisser l’enfant libre de travailler en suivant ses propres centres d’intérêt.
J’appelle violence institutionnelle toute action commise dans ou par une institution, ou toute absence d’action, qui cause à l’enfant une souffrance physique ou psychologique inutile et/ou entrave son évolution ultérieure.
Tomkiewicz et P. Vivet, « Aimer mal, châtier bien. Enquêtes sur les violences dans des institutions pour enfants et adolescents ».
La violence inhérente au système : l’obligation
L’obligation est la 1ère des violences institutionnelles en ce qui concerne l’école. Certes, en France, et ce même si de nombreux médias ou d’autres administrations se plaisent à semer le trouble dans l’esprit de parents mal informés, ce n’est pas l’école qui est obligatoire, mais l’instruction. Malgré cette « liberté » (largement ébranlée par la Loi Blanquer, récemment validée par le Conseil Constitutionnel), la pluralité des modes d’enseignement en France reste vraiment minime. Pourquoi ? parce que nombreux sont les parents qui n’ont pas les moyens financiers d’inscrire leurs enfants dans les écoles alternatives ou « hors contrat » qui se développent sur le territoire. Nombreux également sont ceux qui n’osent pas se lancer dans l’instruction en famille : par peur de mal faire ; parce que la société et leur propre éducation les ont conditionnés (un enfant doit aller à l’école) ; parce qu’ils ne peuvent pas, matériellement, se permettre de mettre de côté leur travail ; parce qu’ils ne savent même pas que cette possibilité existe et qu’ils en ont le droit ; parce que le poids des inspections qui y sont liées pèse trop lourd sur leur responsabilité de parents, etc.
La violence est dans le conditionnement social et éducationnel, elle est aussi dans le manque de moyens et d’informations des familles.