Pour une définition des VEO, reportez-vous au premier article de cette catégorie : La VÉO : qu’est ce que c’est ?
Qu’est-ce qu’une émotion ?
Une émotion n’est pas quelque chose de négatif. Elle doit être entendue comme un baromètre de notre vie psychique, de nos affects. Si elle est négative, elle doit être perçue comme un signal d’alarme, et amener la personne qui la vit à s’interroger sur ses origines. Une émotion doit absolument être prise au sérieux lorsqu’elle met en danger l’intégrité physique et psychologique d’un individu.
Les développements des neurosciences nous permettent de constater à quel point les émotions sont centrales dans nos vies : nous sommes véritablement nos émotions.
D’après Antonio Damasio, spécialiste du cerveau émotionnel, nos émotions nous affectent dans notre totalité : on ne perçoit le monde qu’à travers notre propre prisme, qui est lui-même modelé par nos émotions. Celles-ci affectent donc notre perception, et par conséquent nos choix, nos décisions, nos interprétations, etc. De fait, la façon dont nous réagissons à une situation donnée nous est propre : une autre personne, façonnée par ses émotions à elle, réagira différemment à la même situation.
Dans cette optique, il apparaît essentiel de considérer l’aspect émotionnel dans un domaine qui tient lui aussi une part très importante de nos vies : l’apprentissage.
Par définition, parce qu’ils ont un cerveau en plein développement et encore immature (jusqu’à 25 ans environ, d’après les dernières études), les enfants ont besoin d’être accompagnés dans la gestion de leurs émotions – un domaine où bien des adultes ont aussi des progrès à faire. On parle alors de « compétence » ou d’ « intelligence émotionnelle ».
Qu’est-ce que la compétence (ou intelligence) émotionnelle ?
C’est la capacité individuelle à :
- identifier les émotions (et à les sentir arriver/monter, en soi mais aussi chez nos interlocuteurs)
- comprendre les émotions
- savoir les exprimer
La première chose à faire est donc d’apprendre à connaître et reconnaître les émotions, et savoir les nommer. De nombreux ouvrages existent, ainsi que divers supports disponibles gratuitement sur Google, adaptés selon les âges, comme par exemple une roue ou une échelle des émotions.
Il convient également de distinguer s’il s’agit d’une émotion primaire (joie, colère, peur, tristesse, dégoût, surprise) ou d’une émotion secondaire (qu’est-ce qui se cache derrière une grosse colère chez un enfant, par exemple). D’après Antonio Damasio, une émotion secondaire naît de la confrontation entre une émotion primaire et une situation donnée.
Il est aussi important d’apprendre à identifier les déclencheurs et de faire les liens de cause(s) à effet(s). Cette anticipation permet une meilleure identification des émotions – et mieux on identifie une émotion, mieux on pourra la gérer. On rejoint ici les principes de la CNV (méthode de communication non violente élaborée par Marshall Rosenberg). L’idée est d’identifier le besoin qui se cache derrière l’émotion – et donc, d’entendre le besoin et d’y répondre, minimisant ainsi les émotions négatives liées aux besoins non satisfaits. Plus nos propres besoins sont satisfaits, plus on est disponible et à l’écoute pour l’autre.
Les effets positifs d’une telle méthode appliquée en école sont évidents, et s’enchaînent par effet de cascade : moins tourmenté par ses propres besoins inassouvis, un enseignant sera plus disponible pour écouter ses élèves. Ceux-ci, se sentant entendus dans leur détresse, manifesteront moins de colère due à la frustration et la tristesse, et seront à leur tour plus disponibles pour leurs camarades, leur famille, leurs enseignants. Ces derniers, se sentant plus respectés dans leur rôle, n’en auront que davantage à cœur d’aider encore plus les élèves, et ainsi de suite.
Plusieurs auteurs pensent que l’intelligence émotionnelle va bien au-delà d’une simple identification des émotions. Il s’agit selon eux d’un ensemble de capacités très large, qui prédispose, de par l’intelligence intellectuelle et les capacités de réflexion que cela suppose, aux apprentissages. Reuven Bar-on, psychologue israélien, définit ainsi, en 1997, l’intelligence émotionnelle : « l’ensemble de capacités, de compétences et d’aptitudes intellectuelles qui affectent notre capacité à affronter avec réussite les menaces et les exigences de notre environnement ».
En pratique
La compétence émotionnelle se travaille et s’entretient. Elle ne vient pas seule, elle n’est pas innée, mais elle est le fruit d’un entraînement, d’un temps pris pour s’y exercer.
En pratique, en classe, tout le monde peut mener une réflexion et se livrer à des ateliers, en petits groupes par exemple (de la maternelle jusqu’à l’université). Voici quelques pistes de travail :
- Apprendre à identifier les émotions
- Apprendre à accueillir les émotions
- S’exercer à mettre les bons mots sur les émotions, à les exprimer correctement afin que l’interlocuteur les comprenne au mieux (par exemple, en privilégiant le « JE », plutôt que le « TU » qui est très accusateur. Adopter l’émotion comme sienne et ne pas en rejeter la faute sur l’autre : en effet, ce n’est pas à cause de l’autre que nous nous sentons en colère, c’est notre propre façon de voir les choses qui fait que nous sommes en colère. Un autre individu pourra réagir à la situation d’une manière totalement différente, simplement parce qu’il posera sur cette situation un autre regard, lié à son propre vécu et à ses propres besoins)
- S’interroger sur le besoin caché derrière l’émotion
- Être à l’écoute de ses propres besoins, et les assouvir, afin de pouvoir être pleinement disponible pour les autres
- S’entraîner à avoir une écoute active et empathique (pour soi comme pour les autres)
- Réfléchir ensemble à de nouvelles stratégies pour répondre au mieux aux besoins de chacun tout en respectant ceux des autres
- Cultiver les temps de calme où chacun peut se reconnecter à soi et à ses émotions. Cette étape est indispensable pour rester à l’écoute et entretenir un lien de communication satisfaisant entre les individus
- Mettre en place des stratégies qui permettent de multiplier les émotions positives (joie, gratitude, sérénité, affection, fierté, passion, …). En effet, les émotions positives déclenchent des décharges d’hormones (telles que la dopamine et la sérotonine) dont l’impact est considérable sur le cerveau et l’épanouissement général : elles sont à ce titre des alliées incontestables des apprentissages, dont elles facilitent l’acquisition et l’empreinte dans la mémoire à long terme (c’est ce qui explique qu’une leçon apprise par cœur sans aucun enthousiasme sera très rapidement oubliée : n’ayant pas suscité d’hormone positive, la leçon apprise sans enthousiasme n’a pas l’accès physiologique à la mémoire à long terme. C’est un fait de fonctionnalité cérébrale indéniable).
- Effets bénéfiques remarqués dans les établissements ayant mis en place un programme de développement de l’intelligence émotionnelle (pouvant donc aller de la maternelle jusqu’au milieu universitaire) :
- Meilleure sociabilité des individus : avoir une meilleure relation avec les autres (par une meilleure communication et une meilleure écoute)
- Développement de la libre expression de chacun, dans toute l’intégrité et l’authenticité individuelles
- Mise en place de nouvelles stratégies respectueuses des individus et de leurs besoins respectifs
- Expansion des prises de parole, des échanges et débats, ainsi que des prises de décision et de responsabilité
- Résolution de conflits
- Amélioration du bien-être général à l’école
- Développement de l’enthousiasme
- Développement du sentiment d’appartenance à une communauté
- Disparition des barrières raciales, ethniques et sociales
- Amélioration des résultats académiques
On le voit donc, le développement des compétences émotionnelles chez les différents acteurs des collectivités permettent l’établissement de conditions nouvelles pour la vie en communauté. L’individu y est à la fois plus libre de s’exprimer, et mieux entendu. Ces étapes nous paraissent indispensables à l’établissement d’une collectivité respectueuse, exempte de VEO.
Si vous travaillez dans un établissement d’apprentissage qui pourrait être intéressé par l’essai d’un programme visant à développer l’intelligence émotionnelle des accueillis, vous pouvez vous tourner vers :
- Les IREPS pour la France (Instances Régionales d’Éducation et de Promotion de la Santé)
- Les SEL à l’échelle internationale (Social Emotional Learning).
Si vous souhaitez en savoir plus sur l’accompagnement des émotions de l’enfant, nous vous recommandons cet article.
1 réflexion au sujet de “Compétence émotionnelle : la solution aux VEO à l’école ?”