Comment préparer l’inclusion en structure petite enfance ?
Depuis que la loi 2005-102 pour l’égalité des droits et des chances a été adoptée, « l’action poursuivie vise à assurer l’accès de l’enfant, de l’adolescent ou de l’adulte handicapé aux institutions ouvertes à l’ensemble de la population, et son maintien dans un cadre ordinaire de scolarité, de travail et de vie ». Cela signifie que tout enfant, quelle que soit sa situation de santé, qu’il soit porteur d’un handicap ou non, doit pouvoir être accueilli dans la structure de son choix.
Sur le papier, c’est assez simple. Mais qu’en est-il pour les personnes qui n’ont jamais été en contact avec des enfants porteurs de handicap ou de maladie ? La rencontre avec un enfant porteur de handicap, quand elle est inédite et totalement nouvelle pour le professionnel, peut faire peur : peur de mal faire, ou encore peur de ne pas savoir comment accueillir ces enfants, ainsi que leurs parents. Ces questionnements sont tout à fait normaux, ils sont même plutôt sains, et permettent de préparer un accueil où chacun trouvera sa place.
Tout d’abord il est important de garder à l’esprit que l’on accueille d’abord des enfants, quelles que soient leurs capacités physiques, intellectuelles, relationnelles. Les compétences professionnelles et humaines seront utiles à chacun pour voir en chaque enfant ce dont il est capable, ce dont il a besoin, et ce qui pourra être fait pour qu’il se sente à sa place parmi les autres. Pour se lancer dans cette aventure enrichissante, il y a des étapes essentielles à connaître.
Affichez votre volonté d’accueillir TOUS les enfants
Pour commencer, il est essentiel que tous les parents sentent qu’ils ont le droit de venir au-devant des professionnels pour demander une place pour leur enfant. L’expérience des structures inclusives a montré que les parents d’enfants porteurs de handicap ou de maladie chronique ne font que très rarement les démarches d’accueil en collectivité, souvent parce qu’ils ont déjà essuyé des refus et ont peur d’être de nouveau laissés seuls face aux difficultés de leur enfant (qu’ils connaissent généralement très bien). Le fait d’afficher la volonté de la structure d’accueillir TOUS les enfants, de le mentionner dans le projet, auprès des partenaires, du réseau, sans avoir peur de parler de handicap et de maladie, permettra de montrer que l’on s’inscrit déjà dans une démarche d’inclusion. Les structures affichées « mixtes », comme par exemple Les petits Merlins à Rennes, Une Souris Verte à Lyon ou le Petit Prince Lumière à Paris, ne manquent pas de demandes d’accueil pour des enfants porteurs de handicap ou de maladies, sans pour autant être des lieux spécialisés.
D’après une étude réalisée en 2014 sur le département d’Ille-et-Vilaine (à retrouver en intégralité sur le site de Merlinpinpin), 72% des professionnels interrogés n’ont eu que très peu de contact avec des enfants au fonctionnement différent, voire jamais. Au cours de mon expérience personnelle dans cette association, une partie des structures rencontrées m’a affirmé n’avoir jamais eu de demande, alors qu’à l’inverse d’autres en ont plusieurs par an. Ce qui les différencie : l’affichage de leur volonté d’accueil. C’est un gage de qualité, une preuve écrite qu’il est légitime pour tous les parents de s’adresser à eux et d’obtenir une place pour leur enfant, même si celui-ci présente des particularités. Les parents d’enfants au fonctionnement différent devraient pouvoir confier leur enfant comme d’autres parents, et pouvoir choisir dans quelle collectivité : c’est un droit !
Pensez ADAPTABILITÉ
Lorsque la décision est prise de se lancer dans cette aventure et de l’afficher, il convient de penser pratique. Accueillir toutes les particularités ne se fait pas sans y être préparé. Que cela concerne le projet, les activités ou l’aménagement des lieux, il est important de toujours penser ADAPTABILITÉ ! Avoir un mobilier et un projet adapté à tous serait difficile à mettre en place puisque les besoins de tous sont évolutifs et changeants. De fait, la capacité d’adaptation est donc un réel atout, concernant tout ce qui est mis en place dans la structure :
- Éviter le mobilier qui ne peut pas être déplacé ou modulé facilement
- Être disposé à modifier ce qui était prévu ou imaginé
- Ne pas hésiter à décloisonner en gardant toujours la possibilité de créer des espaces isolés (du bruit et/ou de la vue)
- Prendre le temps d’observer le fonctionnement de chaque enfant individuellement
- Rester souple dans le fonctionnement
Le secret est peut-être là pour mieux vivre ces accueils qui peuvent faire remonter des difficultés, des freins, des émotions : apprendre d’abord à rester souple et être prêt à bouger les lignes dès que cela s’avère nécessaire.
Laissez leur place aux PARENTS
Une autre peur des professionnels souvent entendue concernant ces accueils particuliers : les parents. En effet, ceux-ci paraissent parfois virulents, sur la défensive, à fleur de peau ou encore pire : dans le déni. Il est dans ce cas essentiel de se replacer en tant qu’humain et de quitter le rôle du professionnel pendant quelques minutes pour prendre le temps de comprendre : découvrir le handicap ou la maladie de son enfant (particulièrement avant ses 3 ans) c’est un coup de massue. C’est le début d’un parcours du combattant, parfois d’une lutte compliquée jusqu’à (au moins) la majorité de l’enfant, voire souvent beaucoup plus, pour ses droits et le respect de ses besoins. C’est se faire ballotter de professionnels en spécialistes, de regards jugeant ou apitoyant, de phrases assassines en petits mots cassants, et ce dès le plus jeune âge. Si parfois les parents s’emportent vite, s’ils défendent ardemment les deux heures d’accueil qui leur sont refusées, s’ils ont la larme à l’œil quand on leur dit que leur enfant s’est déplacé en rampant, ou encore s’ils ne vivent pas du tout chez eux les décharges émotionnelles que leur enfant peut parfois avoir en structure, c’est normal. Il appartient au professionnel de la structure petite enfance de participer à l’accueil et à l’éveil des enfants, en respectant leurs besoins, quels qu’ils soient. Si les émotions des parents sont trop pesantes pour le personnel de la structure, il peut être pertinent de se pencher sur la question, individuellement ou collectivement (en analyse de pratique par exemple).
Comment inclure les parents et leur donner leur juste place dans l’accueil de leur enfant ? D’abord, dans l’accueil qui leur est réservé : qu’il soit sans a-priori, semblable à celui de tous les autres parents, et ce, qu’ils estiment utile ou pas de décrire toutes les particularités de leur enfant, ou bien qu’au contraire ils vous laissent le temps de le découvrir par vous-même.
Par la suite, si le personnel de la structure ou les parents estiment qu’il est nécessaire d’être particulièrement vigilant au quotidien sur certains aspects, il est opportun de réfléchir ensemble à l’élaboration d’un PAI (projet d’accueil individualisé). Les PAI sont indispensables et formalisés (par un médecin) lorsqu’il y a un problème de santé qui nécessite une certaine vigilance (allergie alimentaire, épilepsie, etc). Cependant, rien n’interdit de faire un PAI sous une autre forme pour chaque enfant qui en aurait besoin : l’essentiel étant qu’il soit accompagné au mieux. Par exemple, l’enfant pourra être aidé afin de se sentir mieux avec les autres, ou bien on pourra réfléchir à des solutions à mettre en place dans la structure mais aussi à la maison, pour qu’il ait envie de manger en autonomie, etc. Tout est possible, et les parents seront vraisemblablement reconnaissants de cette recherche commune d’idées pour que leur enfant s’éveille et vive au mieux sa collectivité. De plus, ce projet d’accueil, s’il est réfléchi pour chaque enfant, gomme la stigmatisation du PAI réservé aux handicaps et maladies chroniques : chaque enfant est pris en compte dans son individualité, pour apprendre à vivre dans un lieu commun.
(In)formez-vous !
Le métier et la formation de professionnel de la petite enfance, quels qu’ils soient, permettent de réaliser un accueil de qualité : observer, rester à l’écoute des collègues, des parents et de l’enfant permet d’avoir beaucoup de ressources à disposition.
Néanmoins, cela n’empêche pas de se retrouver parfois dans l’impasse, de ne plus savoir quoi faire, de ne plus savoir comment parler à un enfant, ou le porter sans se faire mal. Dans ces cas-là, qui arriveront probablement à plusieurs reprises, il ne faut pas hésiter à aller chercher des ressources à l’extérieur : que ce soit dans le réseau personnel, professionnel, sur internet ou dans les livres. Il existe aussi souvent, selon les secteurs géographiques, des CAMSP (Centre d’Action Médico-Social Précoce), qui sont là pour donner des informations et orienter vers les partenaires adéquats, ou bien un pôle ressource (comme par exemple en Ille-et-Vilaine). Les professionnels paramédicaux (orthophoniste, kinésithérapeute, ergothérapeute…) qui suivent l’enfant à l’extérieur représentent également des ressources non négligeables, et qui sont souvent volontaires pour épauler leurs collègues qui en ont besoin (avec l’accord des parents bien entendu). Certains d’entre eux seront même très heureux de se déplacer dans la structure pour échanger avec l’équipe et voir l’enfant évoluer au sein d’un autre lieu !
Malgré tout, il reste possible que, même après tout cela, des professionnels se sentent encore désemparés ou manquant d’outils. Il existe des formations de qualité qui permettent de trouver des solutions adaptées à chacun. Des temps d’immersion sont même proposés dans des crèches mixtes pour vivre leur quotidien et y puiser de précieux outils pratiques.
Une bonne partie de ces ressources est disponible sur le site enfant-different.org, qui regorge d’informations légales, d’exemples, d’articles et de témoignages inspirants, ressourçants, et qui constituent un bon accompagnement.
Texte par : Amandine Cocquebert, fondatrice de asterenfamille.com
Illustration par : @amphigary (instagram) / @amphigary (facebook) / amphigary@icloud.com
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