Lorsque vous accueillez des jeunes enfants en collectivité, vous devez adapter votre fonctionnement aux besoins individuels de chacun tout en permettant de maintenir l’équilibre du groupe. Cette mission peut s’avérer délicate avec des 0-6 ans, qui ont des étapes de développement très variées, et pour lesquelles une présence continue est souvent nécessaire : que ce soit pour l’hygiène, l’alimentation, la sécurité physique ou émotionnelle.
Lorsqu’un ou plusieurs enfants atteints de maladie ou de handicap intègrent le groupe, l’adulte encadrant doit être en mesure de leur assurer la même réponse à leurs besoins, sans pour autant déséquilibrer le groupe. Pour cela, il existe depuis 2003 (circulaire n°2003-135) le Projet d’Accueil Individualisé (PAI) pour vous accompagner à gérer et organiser ce quotidien.
Le PAI : pour qui ?
Le PAI concerne les enfants concernés par des « troubles de la santé ». Selon l’OMS, les maladies chroniques sont les maladies évoluant sur une longue durée, causant dans la plupart des cas une situation de handicap (physique, relationnel, mental, etc.). Les maladies chroniques ne sont généralement pas transmissibles mais peuvent entrainer des complications graves et handicapantes. Elles regroupent des affections comme :
- l’asthme
- l’insuffisance rénale
- les maladies cardio-vasculaires
- le diabète
- la mucoviscidose
- les myopathies
- l’hépatite C
- la schizophrénie
- etc.
Un autre point important et inévitable des maladies chroniques est leur impact sur la vie quotidienne. Les maladies chroniques impliquent une limitation fonctionnelle (des activités, de la participation à la vie sociale) ainsi qu’une dépendance médicale et/ou paramédicale (soins, aide psychologique, éducative, adaptation de l’environnement), qui entraînent une modification du fonctionnement au quotidien.
Ce cadre du PAI règlementé pour les maladies chroniques peut tout à fait être étendu à tout enfant qui aurait besoin d’un accompagnement particulier ou individuel, comme cela est abordé au sein de notre article « Comment préparer l’inclusion ».
Pourquoi ?
Concrètement, le PAI a pour vocation de faciliter l’accueil et l’inclusion des enfants porteurs de maladies chroniques en collectivité. Il peut être mis en œuvre par toutes les structures concernées (crèches, écoles, centre de loisirs), et ce, quel que soit l’âge de l’enfant. Le PAI permet la concertation, la complémentarité des regards et la cohérence des pratiques dans un but commun : accueillir l’enfant dans le respect de tous ses besoins, tout en lui permettant d’être à sa place parmi les autres. Surtout, le PAI est le garant que chaque enfant pourra accéder à la structure collective du choix de la famille, et de bénéficier du même droit que ses pairs.
Le PAI doit regrouper des informations indispensables comme :
- L’identité de l’enfant et de ses parents
- Les coordonnées de ses représentants légaux
- Les coordonnées de son médecin et de tous les professionnels qui le suivent
- Les données médicales à connaître pour son quotidien
- La procédure médicale d’urgence
- Les aménagements (alimentaires, horaires, interventions des partenaires…) à mettre en place
- Les dispenses d’activités incompatibles avec sa santé et celles proposées en substitution
C’est à partir de ce document que l’équipe de la structure qui accueille l’enfant pourra aménager et adapter son fonctionnement. Chaque membre de l’équipe doit en avoir connaissance et il doit rester accessible facilement en cas de besoin (notamment le protocole d’urgence), sans être visible des autres familles pour une raison évidente de confidentialité. C’est ce document qui permettra une cohérence de vos pratiques au quotidien et facilitera la communication avec les différents interlocuteurs (parents et professionnels qui entourent l’enfant).
Qui remplit et signe le PAI ?
Pour remplir un PAI, 3 « entités » sont nécessaires :
- La famille
- La structure d’accueil
- Le corps médical
La famille est bien évidemment indispensable au PAI. C’est elle qui apportera la meilleure connaissance de son enfant, de ses besoins au quotidien, de ses capacités, et des aménagements déjà utilisés. Ils seront tout au long de l’accueil en mesure d’aiguiller les professionnels accueillant pour éventuellement mettre en place de nouvelles adaptations, ou encore pour faire part des évolutions de leur enfant à l’extérieur de la collectivité, ainsi que leurs attentes vis-à-vis de la structure.
La structure d’accueil, représentée par son/sa responsable, peut être accompagné.e du référent de l’enfant ou d’un membre de l’équipe d’accueil. C’est lors de la rédaction du PAI que vous pourrez évoquer vos besoins en termes d’accompagnement, les adaptations que vous envisagez, et ce que vous pouvez modifier de votre fonctionnement actuel. Cette rencontre vous permettra d’échanger avec les parents et de poser les questions pratiques qui seront essentielles pour préparer l’accueil de l’enfant.
Le corps médical, représenté par le médecin de l’enfant en lien avec le médecin de la structure (ou le cas échéant de la PMI ou de l’infirmière), fixe les besoins thérapeutiques essentiels à l’accueil de l’enfant. Avec l’accord des parents, il fournira l’ordonnance, le régime alimentaire ou les aménagements nécessaires à l’enfant, selon ses besoins. Il décrira également le protocole d’urgence qui sera joint en intégralité au PAI.
Avant le PAI
Cette question est essentielle car tous les enfants reçus préalablement en bonne santé évoluent en cours d’accueil. Il se peut donc qu’il y ait des changements sur lesquels il faudra réfléchir. La situation peut perturber les professionnels de l’accueil :
- si un.e des membres du personnel est seul.e à avoir observer des attitudes ou comportements inhabituels chez un enfant, et qu’il/elle ne sait pas comment y réagir
- si le professionnel en a déjà parlé avec les parents et que ceux-ci n’observent pas la même chose
- si le professionnel ne sait pas comment aborder le sujet, parce que cela le/la met mal à l’aise, que la communication est déjà difficile avec la famille, ou encore qu’il/elle a peur de se tromper
Pas de panique, cette situation est relativement fréquente. Beaucoup de professionnels se sont ainsi retrouvés confrontés à cette situation et la solution n’est pas toujours évidente. Avant de dramatiser et de lancer une demande de PAI à la famille (qui ne saura sans doute pas ce que c’est) il est essentiel de passer par plusieurs étapes :
- Vous pouvez déjà faire part de vos observations à vos collègues et votre responsable de structure, pour mettre en commun vos regards et évaluer ensemble si ce que vous avez observé devrait impliquer des aménagements de l’accueil. Si vous avez un.e infirmier.e ou un médecin (même ponctuellement) dans la structure, parlez avec lui.
- Vous pouvez échanger avec les parents sur la façon dont l’enfant réagit à la maison dans une situation similaire et mettre en parallèle vos observations, sans jugement ni apriori et avec bienveillance.
- Si les parents vous retournent leurs propres observations, intéressez-vous à ce qu’ils ont mis en place pour leur enfant et voyez si cela est possible dans la collectivité.
Si le fonctionnement un peu différent de l’enfant ne perturbe pas son quotidien, ni celui du groupe , et surtout si personne n’est en danger, rien ne vous oblige à mettre en place un PAI.
Si toutefois la famille, à la demande du médecin ou de l’équipe, exprime le besoin de se concerter pour adapter l’accueil de l’enfant, vous pouvez alors envisager la mise en place un PAI, qu’une maladie (ou autres) ait été détectée ou pas.
Accompagner le PAI
Au sein de l’équipe vous n’êtes pas médecin, vous ne connaissez pas toute l’histoire de la famille ni le parcours médical de l’enfant, vous n’êtes pas là pour le « sauver » ou poser un diagnostic. Peut-être a-t-il déjà eu des suivis et des interventions qui lui permettent aujourd’hui d’être accueilli sans protocole, et que ses parents veulent surtout éviter de revivre cette période révolue. Peut-être que l’acceptation d’un handicap pour les parents est encore impossible à admettre, et ce ne sont pas vos sollicitations qui leur permettront de mettre des mots dessus.
Il est important que les membres de la structure d’accueil fassent de leur mieux pour que l’enfant se sente en sécurité, qu’il participe aux jeux, qu’il ne soit pas exclu ou stigmatisé. Lorsque la famille se sentira suffisamment en confiance pour parler de leurs doutes et de leurs questionnements, il sera alors pertinent de les orienter vers leur médecin, le professionnel médical du secteur ou le responsable de la structure pour échanger sur le sujet de manière plus approfondie. Si le professionnel médical juge indispensable de faire des examens et de creuser sur la situation de santé de l’enfant, les parents pourront partager sur leur parcours avec les membres de la structure, s’ils le souhaitent et que cela s’avère nécessaire à l’accueil de leur enfant.
Un regard bienveillant sur l’enfant peut aider les parents dans leur cheminement, quel que soit le temps qu’il leur faut. Peut-être parleront-ils de leurs peurs et leurs doutes, ou bien resteront-ils confiants et assurés. Cela ne voudra pas dire qu’ils n’écoutent pas les conseils, ou qu’ils pensent savoir mieux que les professionnels. Ils resteront toujours l’expert de leur enfant, le principal co-équipier de l’accueil au quotidien et une source d’informations sans fin pour adapter les pratiques. Une relation de confiance et bienveillante est une première étape saine pour le PAI.
Le PAI est un document établi par des professionnels. Il ne doit pas être vécu comme comme une contrainte, mais comme un appui : il est une source d’échanges pour avoir une meilleure connaissance des enfants accueillis dans la structure. Le PAI est un allié du quotidien, pour adapter les pratiques, trouver des ressources, équilibrer les interventions et les activités.
Texte par : Amandine Cocquebert, fondatrice de asterenfamille.com
Illustration par : @amphigary (instagram) / @amphigary (facebook) / amphigary@icloud.com
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