Pédagogies alternatives (Passées et actuelles ; autour du monde)

Le système scolaire singapourien

Singapour est un jeune pays asiatique qui a connu un essor spectaculaire et fulgurant après la 2nde guerre mondiale, suite à son indépendance proclamée en 1965. Disposant de très peu de ressources naturelles et qui de surcroît ne sont pas renouvelables, ce pays a choisi de tout miser sur ses ressources humaines.

Un programme pour tout changer

Miser sur les ressources humaines passe par l’ « éducation » de la jeunesse, qui est l’avenir d’un pays. Singapour a choisi d’opter pour l’innovation, à la fois pédagogique et technologique – avec un recours intensif à la technologie.

Ils ont adopté un modèle asiatique très traditionnel, et très strict. Ils commencent le matin à 7h30, avec des journées misant tout sur le travail, l’effort et la discipline. C’est un système extrêmement compétitif, qui a ancré dans les esprits le sentiment que la réussite sociale et professionnelle est vitale. Un programme nommé « des écoles qui pensent, une nation qui apprend ».

Ce programme prévoit principalement 2 choses :

  • équilibrer la priorité accordée à l’acquisition du savoir, au développement des compétences et à l’intégration des valeurs traditionnelles asiatiques (comme travail et discipline). Cela passe par des méthodes d’enseignement voulues engageantes et efficaces, ainsi que par des évaluations globales et récurrentes ; 
  • investir plus de ressources dans la main-d’œuvre, le financement et les infrastructures.

Le gouvernement indonésien a donc choisi de consacrer 20% de son budget total à l’enseignement, sachant que l’éducation dans ce pays participe réellement au développement économique et social, et sert de modèle international.

Ce budget est pour une bonne partie investi dans la formation des enseignants. En effet, après avoir tout mis en œuvre pour accroître les effectifs, le gouvernement s’est attaché à la qualité de l’enseignement, puis à l’aide apportée aux enfants afin qu’ils atteignent leur plein potentiel.

Singapour est ainsi arrivé N°1 de l’enquête Pisa en 2015, pour toutes les matières étudiées. L’enquête PISA est une étude menée par l’OCDE afin d’évaluer le niveau des élèves à une échelle mondiale : Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves. Les derniers résultats ont été publiés en 2016, pour des études menées en 2015. L’Allemagne était alors 16ème, la France 26ème, ex aequo avec l’Autriche, et sur un total de 70 pays étudiés. Les élèves singapouriens avaient en moyenne 2 années d’avance sur les autres élèves de l’OCDE. De nouveaux résultats sont attendus en 2019, basés sur des enquêtes menées en 2018.

Comment fonctionne le système scolaire singapourien ?

L’état contrôle quasiment tout en ce domaine. Les écoles sont laïques. La scolarité est obligatoire durant les 6 1ères années de primaire. Toutefois, les élèves suivent généralement 10 ou 11 années d’enseignement général puis poursuivent encore 2 ou 3 ans de formation appliquée ou professionnelle.

A l’issue de cette formation, un quart des élèves environ intègre l’enseignement supérieur. C’est uniquement de cet enseignement supérieur que peuvent être issus les futurs enseignants singapouriens. Ils doivent en outre obtenir un diplôme spécialisé dans la ou les matière(s) qu’ils souhaitent enseigner.

Les cours sont dispensés en quatre langues : le chinois, l’anglais, le mandarin, et le tamoul.

Le but de l’école singapourienne est de favoriser l’esprit d’ « innovation » et d’ « entreprise », afin de fournir à chaque élève les habiletés et attitudes adéquates. Pour ce faire, les enseignants disposent dans leurs classes d’une totale liberté d’innovation.

Les écoles singapouriennes misent beaucoup sur les sports, les mathématiques, les technologies, les arts et les sciences. Elles choisissent une de ses spécialités et fondent tout leur enseignement autour de celle-ci.

Certains élèves (environ 20%) ne sont pas en mesures matérielles ou pathologiques d’accéder aux études secondaires. Le gouvernement a mis en place pour eux 2 écoles spécialisées, en 2007 et 2009. Ces écoles sont plus à même de garantir aux élèves des enseignements spécialisés, adaptés à leur cas personnel.

La méthode de mathématiques Singapour

Pour créer cette méthode aujourd’hui mondialement reconnue, les enseignants singapouriens se sont inspirés des observations des meilleurs pédagogues du monde au 20ème siècle.

C’est une méthode qui se base beaucoup sur le fait que les enfants apprennent en faisant (théorie de Jérôme Bruner). La méthode compte beaucoup sur les aptitudes innées des jeunes enfants aux apprentissages, pour développer leurs connaissances par la manipulation, et l’utilisation de leur intention. Avec la méthode Singapour, les élèves manipulent beaucoup les objets, ce qui leur permet de glisser progressivement du concret à la notion abstraite.

Ils s’inspirent également de la pédagogie développée par Jean Piaget, qui préconisait aux adultes d’accompagner les enfants dans les apprentissages, et de leur laisser le temps d’intégrer ce qu’ils apprennent.

Le but de cette méthode, à l’opposé du « par cœur », est d’apprendre aux enfants à comprendre les problèmes qui leur sont proposés, et à les résoudre par eux-mêmes. Ainsi, en classe, ils en discutent d’abord entre eux en petits groupes, confrontent leurs idées, puis envisagent des solutions sous la houlette du professeur.

C’est une méthode assez respectueuse de l’enfant puisqu’elle part d’un postulat d’intelligence. Cette méthode très efficace est aujourd’hui utilisée dans plus de 60 pays.

Les cours de soutien

On l’a vu donc, c’est un système strict, discipliné, où beaucoup d’engagement est demandé aux enfants, qui ont des journées extrêmement longues. Et ce n’est pas fini … En effet, à Singapour, les cours de soutien scolaire sont devenus une routine, pour ne pas dire une obligation, et sont suivis massivement après l’école, et ce parfois dès … 6 mois. Selon l’étude menée en 2015, plus de 80% des élèves du primaire suivent des cours de soutien, et cela concerne plus de 60% des élèves du secondaire. Il existait alors 850 collèges privés dédiés exclusivement aux cours de soutien scolaire, pour un pays de « seulement » presque 6 millions d’habitants.

Le marché des cours de soutien est donc naturellement devenu particulièrement lucratif. Certains groupes n’hésitent pas à mettre en avant les découvertes des neurosciences sur la plasticité du cerveau du jeune enfant, ainsi que l’impact des neurones-miroirs, pour inciter les parents à les inscrire de plus en plus tôt. C’est une manière pour les parents de lutter contre l’angoisse extrêmement pesante dans ce pays de ne pas réussir, de ne pas être accepté dans les meilleures écoles, ou dans les meilleures universités.

D’où vient cette pression ?

Nous l’avons vu, Singapour n’ayant que très peu de ressources naturelles, offre principalement un avenir dans les ressources humaines.

Le pays compte 3 universités classiques, une université de la technologie et du design, créée en 2012 et qui travaille en collaboration avec une université du Massachussetts aux États-Unis, 5 écoles polytechniques, un institut d’enseignement technique et 2 établissements d’enseignement supérieur en arts. Autant dire, même si c’est un pays relativement petit, que les places sont chères.

Le système mis en place par le gouvernement compte de nombreux examens d’évaluation de niveau afin de valider les admissions. Il y a même un examen de sortie de l’école primaire. Tous ces examens sont extrêmement compétitifs. Et malheureusement le système s’enfonce dans un cercle vicieux : devant l’affluence d’élèves disposant des compétences requises, les écoles augmentent le niveau de leurs concours d’entrée, et de leurs cours. De telle sorte que les cours de soutien se voient à leur tour obligés d’augmenter leur niveau pour rester dans la course, et le cercle se perpétue ainsi, mettant toujours de plus en plus de pression sur le dos des jeunes élèves. D’autre part, cela met peu à peu totalement en marge du système les 20 ou 30% restant d’élèves qui ne suivent pas de cours de soutien.

Si on ajoute à ces horaires déjà extrêmement lourds les activités extra-scolaires, les journées des enfants singapouriens deviennent pires que celles d’un ministre. Beaucoup de parents en sont conscients, et le déplorent, mais ne se révoltent pas contre le système, par peur de l’exclusion.

Les failles du système

Ce système sacrifie son enfance : les élèves croulent sous les devoirs à faire à la maison, alors qu’ils y rentrent déjà fatigués, et n’ont pas le temps de sommeil nécessaire à leur âge. D’autre part, ils n’ont pas non plus de temps de loisir, ce qui est dramatique pour leur développement et leur épanouissement personnels. Ils sont fatigués en permanence, courent après le temps en permanence : ils développent des troubles de l’attention, des troubles de la concentration, et dépriment. Parfois, certains se suicident. En 2015, 27 enfants singapouriens, âgés de 10 à 19 ans, ont mis fin à leurs jours à cause de cette pression bien trop lourde pour leurs jeunes épaules. Cela représentait une augmentation du taux de suicide de 50% pour la seule année de 2015.

Cela a conduit le gouvernement, qui commence à s’inquiéter, à réviser notamment le système de notation du PSLE, l’examen de sortie de la fin du primaire. Les chiffres sont désormais remplacés par des lettres ; le système a été assoupli, afin de diminuer le stress des élèves. Néanmoins, il n’entrera en vigueur qu’en 2021.

Le gouvernement souhaite en outre modifier d’autres éléments, comme la rigueur des structures scolaires, afin d’apporter plus de joie aux jeunes élèves, et que leur système soit moins critiqué par les autres pays. Ils commencent à intégrer l’idée qu’être ultra compétitifs n’est pas tout, et qu’ils doivent aussi former des jeunes penseurs, heureux de vivre et dotés de réflexion et de compétences analytiques, et qui ne soient pas seulement étouffés de savoir. Leur méthode de mathématiques résume finalement parfaitement le nouveau courant de pensée vers lequel s’oriente maintenant le pays.


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